Jean-Pierre Bruneau fait partie de la mythologie culinaire belge. Du haut de ses trois étoiles Michelin, il a marqué une époque, qu’il continue d’honorer aujourd’hui avec son 18 au Gault Millau et ses deux étoiles au guide rouge. Des galons qu'il a obtenus grâce à son curriculum, à son professionnalisme hors pair, à la classe de son restaurant et à son service de haute catégorie.

Sabin Arana a pris tout à fait conscience qu’il doit suivre le chemin tracé au long des dernièrres décennies par la maison, synonyme de réputation notoire et de fond de commerce relativement important. Dans ce sens, il confirme le style et la carte de l’établissement, et peaufine légèrement son classicisme. Une cuisine éminemment conventionnelle, donc – l’une des plus réussies du genre en Espagne –, dont certaines caractéristiques méritent d’être soulignées. Premièrement, l’élégance et l’harmonie singulières des saveurs et combinaisons. Ensuite, l’excellence du produit, simple ou opulent, toujours supérieur. Enfin, les points de cuisson, généralement dignes de la haute cuisine moderne. Le tout en fait un restaurant raffiné et actuel aux saveurs traditionnelles. Comme au bon vieux temps, nous avons savouré le beurre éthéré de béarnaise en guise de bienvenue, puis le talo (tortilla basque) le plus fin du monde, servi avec quelques morceaux de chistorra (saucisse au piment rouge), qui constituent les éternels apéritifs, irremplaçables. En guise de nouveauté, une riz mielleux aux écrevisses – d’une qualité extraordinaire – irréprochable, accompagné d’un bouillon épaissi à la graminée qui rappelait la sauce prédominée par la tomate qui accompagnait ce plat jadis. Autre titre de gloire de la maison : les blettes au piment carré avec bouillon de légumes ; un véritable régal palatal. Nous devions ensuite revivre un souvenir inoubliable : le homard rôti aux fragrances d’estragon et de poivre sur fond épatant de sauce américaine ; plus parfait que jamais. Autre incorporation de la carte, sensée et irréprochable : le filet de morue, succulent et on ne peut plus juteux, assorti d'une très délicate purée de petits pois et de champignons, servis en lamelles. Quand il est à la carte, le gibier constitue un passage obligé extrêmement agréable, comme par exemple la tourterelle, d’une matière première et d’un point saignant de tout haut niveau, présentée revêtue de champignons, raisins secs, pignons, courgette, bacon, etc. Sans oublier les autres voyages paradisiaques au pays de Jolastoki : les incommensurables escargots a la vizcaína ; le généreux riz aux champignons, langoustines et fromage Idiazabal ; la chatoyante morue frite embellie d’un voile doré, accompagnée de poivrons ; la majestueuse bécasse... Des spécialités interminables qui démontrent que la rigueur et la constance ont un grand mérite.

Jean-François Piège, élève privilégié d’Alain Ducasse, devenu par la suite son chef de cuisine, est le meilleur cuisinier néoclassique de France, du monde, pourrait-on dire. Après avoir triomphé aux Ambassadeurs, le somptueux restaurant de l’hôtel Crillon, il a décidé de se lancer dans une nouvelle aventure, adpatée à la réalité économique et sociale actuelle. C’est ainsi qu’est né son premier restaurant, suivi par d’autres établissements, parmi lesquels figure le restaurant gastronomique qui se trouve au premier étage de ce bâtiment, destiné à 18 convives par service, qu’il compte ouvrir au début de l’été. Un endroit exclusif où vous pourrez savourer le luxe et une cuisine artistocratique réinventée en accord avec l’époque que nous vivons.
En en temps record, le restaurant est devenu une référence en termes de qualité, de distinction, d’informalité, d’accessibilité, de possibilisme, d’actualité, ... Un business urbain contemporain qui est en train de marquer des tendances et qui propose une gastronomie orthodoxe à la fois rigoureuse et désinhibée. Cette symbiose entre la tradition et l’audace proposée à des prix scandaleusement bon marché pour Paris est la raison pour laquelle l’établissement affiche complet tous les midis – 100 couverts – et tous les soirs – 200 convives.
Parmi les versions de génie, sans jamais enfreindre la mémoire historique, figure l’encornet coupé en nouilles, juste poêlées, imprégné d’une savoureuse carbonara, dont on apprécie la force et la consistance du parmigiano-reggiano, le bacon, la crème fraîche et les autres ingrédients qui composent cette sauce traditionnelle. Dans une même ligne apparaît la version revue et corrigée de la pizza, dont la pâte soufflée recèle une tour de thon doré cru, de la burrata, de la pulpe d’olives noires, de la roquette … Une passion pour l’Italie également reflétée à travers une demi-douzaine d’autres mets. Des interprétations libres apliquées au hamburger de boeuf Angus, pertinemment différent et réussi, amusant et gratifiant.
La carte regorge de produits éminents préparés selon des recettes plus conventionnelles dotée d’une griffe personnelle : caviar et pommes de terre, foie gras aux pommes crues et cuites, asperges vertes de Luberon brièvement cuites avec une vinaigrette légère, entrecôte de boeuf béarnaise, côtes d’agneau à la fleur de thym, morilles à la crème, jus authentique ... le tout élaboré avec le savoir-faire qui distingue le chef.
Au sein de cette ligne de rajeunissement des valeurs patrimoniales figure l’avocat glacé et râpé proposé en compagnie de crevettes Cristal Bay cuites à la vapeur, dorées à l’extérieur et crues à l’intérieur, déposées sur une sauce cocktail. Ou encore, plus orthodoxe, le lard de porc tendrement surplombé de petits morceaux croustillants de sa peau et de purée de lentilles. Tout aussi noble et délicieux, le veau piedmontais cuit à basse température assorti d’une ventrèche de thon, de citron et de parmesan.
Les desserts, doctoraux, sont légers et extrêmement raffinés, comme en témoignent les fraises dans leur jus avec crème chantilly éthérée à la vanille et aux herbes ; le vacherin glacé à la banane et au citron vert ; la glace à la vanille turbinée à la minute avec noix caramélisées ; la crème au caramel …
En définitive, une cuisine bourgeoise faite avec une sagesse évidente à la portée de tout Paris.
 

Impressionnant : 350 couverts par jour à ce niveau-là, c’est un must. D’accord, il s’agit d’une cuisine de banquet de luxe, servie grâce à un personnel de 40 personnes… mais dont l’efficacité fait l’objet d’une précision algébrique surprenante. En fait, les chefs de salle portent de discrètes oreillettes. Les menus des tables défilent donc à un rythme modéré, en toute harmonie. C’est la petite révolution que Marc Gascons, épaulé de sa sœur, Elena, mène depuis cinq ans au sein de ce classique de la région de l’Empordà, sous le regard approbateur du père. Sans chichis.