Historiquement parlant, dans la cuisine basque, la morue a toujours été préparée en sauce (pil-pil, à la basque, à la Club Ranero, à la sauce verte, etc.) ou sous d’autres formes (en omelette, en illustration de la soupe au pain et à l’ail de la zurrukutuna, en farce des poivrons, frite avec des poivrons verts, etc.) mais, curieusement, jamais sur le gril, alors qu’il s’agit d’un produit qui a toujours été très présent dans les débits de cidre et de txakolis (vin basque). Au cours des dernières années, ce mode de cuisson s’est finalement imposé dans les meilleurs grills du pays basque en raison de différents facteurs : d’une part cette lacune n’avait pas de raison d’être et d’autre part, il s’agit de l’un des meilleurs poissons, dont la présence est par ailleurs garantie en permanence sur le marché.
Celui qui a le mieux développé sa cuisson sur le gril est sans aucun doute l’homme qui a révolutionné la galaxie de la grillade : Víctor Arguinzoniz. Par norme, il achète toujours la meilleure qualité, qu’il traite avec une grande dextérité. Il utilise les filets de pièces énormes, de plus de 10 kilos. Chaque morceau, légèrement lubrifié à l’huile d’olive, est placé avec la peau face au feu, à plat, sur une turbotière plate que l’on dépose sur le treillis du gril, également plat, à environ 10 centimètres des braises ; des braises de chêne vert qui devront déjà être assez consommées afin de ne pas agresser le poisson, qui devra se faire très lentement. On le laissera du côté de la peau pendant 8 minutes, le temps qu’il épanche quelques gouttes des jus intérieurs et de l’huile, qui aviveront la flamme et favoriseront ainsi l’émanation d’une fumée qui donnera une légère touche d’imprégnation au poisson. Au bout des 8 minutes, on retourne le filet, le côté dépourvu de peau face aux braises, toujours à une distance d’environ 10 centimètres, pendant 2 minutes. Ensuite, on retire le filet, on le met sur assiette avec la peau vers le bas et on l’encercle d’un trait décoratif de pil-pil, au pinceau.
Impossible d’obtenir un ton plus blanc, un poisson aussi chatoyant. Au contact avec la fourchette et le couteau, le filet se sépare en lamelles, entières, regorgeant de jus, d’une saveur claire et exquise de morue fraîche aux parfums rustiques qui viennent renforcer son charme.