Le fait que Martin Berasategui soit un perfectionniste qui construit son œuvre sur base de réformes de l’histoire et de réinvention de soi-même ne veut pas dire qu’il ne soit pas un créateur. Son style personnel, sa philosophie de vie ne résident évidemment pas dans le radicalisme ni dans l’exagération. Martin est plutôt un progressiste qui se plaît à imaginer paisiblement, subordonnant les idées aux résultats, toujours extraordinairement raffinés et harmonieux. Il ne cherche presque jamais à impressionner par le biais d’alliances qui expriment de fortes juxtapositions gustatives. Au contraire, il tend à tempérer les contrastes, à les adoucir, à les amoindrir, à conjuguer les nuances. Un vrai diplomate gastronomique.
Cette originalité extraordinairement élégante orchestrée par les végétaux constitue un exemple supplémentaire de sa grande personnalité culinaire. Ce n’est pas pour rien que, dans le cadre du IIe Congrès Vive les légumes de mai 2008 (Pampelune), Martin a reçu le Prix Reyno Gourmet pour le travail qu’il a réalisé avec les légumes, notamment pour l’utilisation constante de jus en guise de sauces et pour le développement des salades horizontales, historiquement représentées par celle de moelle de légumes aux fruits de mer. Ici, il franchit un pas supplémentaire et nous propose une recette où interviennent des tubercules, du céleri-rave, du topinambour et des salsifis, présentés sous différentes formes (morceaux, crème, glace, …).
Pour vous faire une idée, le fond de l’assiette est d’abord recouvert d’une gélatine de pomme. Sont ensuite disposées deux tranches de pain de seigle verticales farcies d’une chantilly de moutarde, comme un sandwich. À côté, la crème des trois tubercules, parsemée de dés de céleri-rave, de billes de topinambour, de cylindre de salsifis, d’une quenelle de glace aux trois légumes précités et garnie de tuiles sucrées. La décoration s’achève à l’aide de quelques gouttes de vinaigrette d’algues et de germes de brocoli et d’amarante.