Après avoir été élu Cuisinier de l’Année lors de l’édition de 2001, Quique Dacosta aura atteint deux objectifs de son parcours professionnel au cours de sa trentième année : la plus grande distinction et l’obtention du titre de Plat de l’année pour deux de ses créations. En fait, l’évolution et le dépassement constant qui caractérisait son savoir-faire depuis longtemps a culminé en un saut qualitatif qui le situe parmi les tout grands. Pour que les choses soient bien claires, nous réitérons : il fait déjà partie des cieux culinaires.
Sa capacité de recherche, sur proposition des organisateurs du Congrès Lo Mejor de la Gastronomía, qui ont soumis le sujet à tous les chefs qui figurent dans le guide, l’a amené à réfléchir et à matérialiser l’une des rares grandes recettes existant en matière de pousses. Sans aucune référence, il a mis en place une construction réfléchie et pétillante qui atteste d’une manière d’être tant sensée, modérée et calibrée… qu’ambitieuse, idéaliste et gagnante. Il fait intervenir du quinoa royal biologique, des lentilles vertes de Puy, des lentilles noires, du soja vert, des baies de fenugrec, des graines de petits radis et d’asperges blanches qui, hormis ces dernières, sont toutes parfumées aux braises d’aneth. Des sensations végétales que l’on apprécie sur l’assiette disposées sur un consommé coagulé de lard fumé. Parmi les pousses surgissent des escalopes saignantes de foie de pigeon de Bresse ainsi que des pépites de chocolat amer. Le tout est nappé et enveloppé d’un voile de lard fumé, une gélatine qui fait office de fil conducteur de la recette et de ragoût raffiné et translucide qui renforce le goût des végétaux, contraste avec la fraîcheur de ces derniers et produit une diversité de consistances. L’ensemble est servi tiède et décoré en dernière minute de germes d’asperges, ciboulette et pépites de sel.
La Ricetta
Pousses:
Ingrédients
- 250 g de lentilles vertes de Puy
- 250 g de lentilles noires (Lens culinaris)
- 250 g de soja vert (Glycine max.)
- 100 g de graines de petits radis (Raphunus sativus)
- 250 g de fenugrec (Trigonella foenum-graecum)
- 50 g de graines de lin (Linum usitatissimum)
- 15 g de graines de moutarde (Sinapis alba)
Élaboration
Ces produits peuvent être élaborés de différentes manières qui nous faciliteront la tâche. L’important, c’est d’assurer le contact humide avec le produit pendant 48 heures dans un endroit frais à l’abri de la lumière : c’est la seule manière de garantir des conditions idéales.
Ensuite, en fonction du type de germe, on aura besoin d’une humidité plus ou moins élevée. Le soja vert, par exemple, devra tremper pendant 12 heures avant d’être égoutté puis subir le processus de germination similaire aux autres plantes.
Il est judicieux de chercher et utiliser des pousses de culture écologique, car elles sont beaucoup plus saines et disposent d’un label de garantie.
Lors du service, placer les pousses dans une passoire en acier sur braises de genévrier, les tiédir en les hydratant avec les parures du bouillon au lard coagulées et 1 g d’huile d’olive douce.
Il faudra compter 30 g de mélange de pousses par personne.
La proportion par personne correspondra à la proportion qui aura été germée. Préférer l’harmonie de toutes les pousses au monopole gustatif de l’une d’entre elles, car plus puissante en bouche et au nez ; bien la doser pour qu’elle apporte une touche intéressante plutôt que de constituer l’élément central.
Pour le quinoa:
Ingrédients
- 100 g de poireaux, uniquement la partie blanche
- 20 g d’huile d’olive à saveur douce
- 150 g de quinoa Real biologique (Chenopodium quinoa Willd.)
- 500 g de bouillon de canard “de base”
Élaboration
Le quinoa a un processus de germination différent, car c’est lors de sa cuisson que le germe surgit. À partir de ce moment, on l’enrichit avec le poireau poché dans l’huile d’olive, on mouille avec le bouillon doux de canard, on cuit le quinoa pendant 15 minutes à feu doux, on passe et on laisse reposer jusqu’au service. Ensuite, on sale à point.
Il faudra compter 25 g de quinoa par personne. Saupoudrer de truffe noire hachée très menu et de sel gris de Guérande lors du service.
Pour les graines d’asperges blanches :
Ingrédients
- 100 g de graines d’asperges blanches
Élaboration
N’ayant guère d’expérience dans le domaine des pousses lorsque j’ai commencé à inventer ce plat, la première chose qui m’est venue à l’esprit quand j’ai eu ces pousses en main furent les asperges que je voyais récolter sur la rive du Tiétar, où je suis né. Il n’y avait là que d’énormes sillons de sable où les asperges étaient cachées du soleil. Sur base de ce souvenir, nous nous sommes proposés de faire une plantation de pousses d’asperges blanches qui, au lieu de germer en terre, germeraient dans de l’ouate, beaucoup plus délicate.
La procédure est identique à celle des autres pousses : 48 heures dans de l’ouate humide, dans un endroit frais, à l’abri de la lumière.
Ces pousses sont présentées crues, sans réchauffer ni assaisonner (4 ou 5 par assiette).
Pour le bouillon au lard fumé :
Ingrédients
- 100 g d’oignons tendres (Allium cepa)
- 100 g de poireaux, la partie blanche seulement (Alliun porrum)
- 25 g de carotte (Daucus carota)
- 3 champignons
- 700 g de lard fumé Joselito
- 3 l d’eau
Élaboration
À feu très doux, faire suer le lard et les légumes puis, une fois légèrement dorés, mouiller avec l’eau et cuire, sans faire bouillir, pendant 45 minutes. Passer, laisser reposer et rincer. Rectifier le point de sel, puis réserver pour faire le voile et la base du plat.
Pour le voile et la base gélatinisée :
Ingrédients
POUR LA BASE DU PLAT
- 250 g de bouillon au lard terminé
- 1 g d’agar-agar
POUR LE VOILE
- 600 g de bouillon au lard terminé
- 2,5 g d’agar-agar
- 1 feuille de gélatine de 2 g
Élaboration
Mélanger à froid et porter le tout à ébullition, passer et couler 30 g de bouillon par personne dans une assiette légèrement concave. Attendre que le bouillon coagule puis, lors du service, tiédir au four pendant une minute.
À froid, mélanger l’agar-agar et le bouillon à point, porter à ébullition puis, hors du feu, ajouter la feuille de gélatine préalablement hydratée. Passer avant d’étendre sur de grandes plaques en formant une feuille d’environ 2 mm (l’épaisseur dépendra de la taille du plateau). Laisser reposer et coaguler puis, à l’aide d’un emporte-pièce, détailler des circonférences qui, pour plus de facilité, seront placées entre deux papiers. Lors du service, recouvrir le tout, puis tiédir à la salamandre.
Pour les foies de pigeon :
Ingrédients
- 12 foies de pigeons saignants, très frais (en période de chasse, nous utilisons des ramiers)
- 1 l de lait
- Sel
Élaboration
Pour saigner ou réduire quelque peu ce point de sang excessivement morbide de ces foies, qui, par ailleurs, fait leur charme, laisser tremper à froid dans du lait pendant 6 heures avec 10 g de sel. Ensuite, égoutter, sécher sur braises de genévrier à environ 3 cm. Obtenir 70 g de produit. Pour ce qui est de la température, placer les foies de manière à ce que le centre atteigne 40ºC, laisser refroidir de manière naturelle, puis couper en fines lamelles que l’on déposera sur le quinoa avant de servir.
Maldon sea salt Finely chopped scallions Bitter chocolate flakes
Ingrédients
- Sel Maldon
- Ciboulette hachée
- Pépites de chocolat amer
Élaboration
ASSEMBLY:
La présentation de ce plat suit une série d’étapes très différenciées :
D’abord, tiédir l’assiette au four à 120º C pendant que le quinoa est chauffé et que les pousses sont tiédies aux braises de genévrier. Placer les pousses et le quinoa au fond de l’assiette avec le consommé au lard fumé coagulé préalablement réservé. Sur le quinoa, disposer les lamelles de foie de pigeon, puis les pépites de chocolat amer sur les pousses et, pour couronner le tout, le voile. Tiédir dans la salamandre puis déposer les pousses d’asperges sur le voile avec quelques pépites de sel.
Il s’agit d’un plat tiède qui, lors du service, ne peut dépasser les 40º C.