Don Alfonso 1890

Il s’agit du restaurant le plus important du Sud de l’Italie, notamment grâce à l’effort d’une famille exemplaire qui arbore l’étendard du luxe gastronomique à travers les générations. Les parents, Alfonso et Livia, et les fils, Ernesto et Mario, travaillent avec véhémence, sagesse, intelligence, méticulosité … en faveur d’un projet seigneurial de grande classe qui reflète une symbiose de deux expériences. D’une part l’amour passionné, voire viscéral, qu’ils éprouvent envers leur terroir, Campania, une caractéristique valable pour tous les habitants de la région ; d’autre part le côté très français de l’hôtellerie, éminemment académique, toujours empreint du meilleur savoir-faire. Le résultat débouche sur un immense professionnalisme : le cadre, le service, l’amabilité, la cave … sont dignes de la vie de palais.

En cuisine, conformément à l’esprit de la famille Iaccarino, deux visions du classicisme coexistent ; une tradition évolutive fascinante à en juger par les constructions reflétant l’idiosyncrasie italienne. Des élaborations tantôt conventionnelles, tel que le Vésuve aux rigatoni, qui capitalise et symbolise tous les ingrédients, les valeurs et l’esthétique de la région - des rigatoni avec une sauce tomate géniale, parfumés au plus aromatique des basilics et farcis avec une délicieuse mozzarella et des petites boulettes de porc -, tantôt modernes, comme les raviolis translucides ultraraffinés, dont les entrailles renferment du ricotta et des orties nageant dans un bouillon d’orties immaculé, diététique et surprenant. Deux témoignages magistraux d’élaboration de pâtes, travaillées avec une érudition et un talent extrêmes, se prêtant à des dizaines de combinaisons pleines d’émotion. Les risottos constituent également une gamme de plats dignes de doctorat. Le risotto enrichi aux miettes de saucisse de porc, artichauts frits et truffes noires illustrent deux constantes de la maison : la succulence modérée et l’opulence des genres. Car au Don Alfonso 1890, on ne lésine sur rien, encore moins sur les produits, toujours célestes, les meilleurs du marché, notamment les poissons, d’une éminence rare. Le thon blanc, rose à l’intérieur et croûté à l’extérieur, accompagné de purée de fèves et d’une sauce à l’oignon rouge, de piment rose et d’un croquant au gingembre, constitue une entrée aussi délicate que complexe. Le cernia (mérou), déjà noble en soi, se voit également grandi par son point de cuisson, bien que trop conventionnel sur le plan de la conception et du goût : parfumé à la vanille et accompagné d’une sauce aux framboises, de gousses de vanilles et d’une croquette au potiron. Côté viandes, on reprend des recettes d’école, toujours bien exécutées, comme la marinade de sanglier avec purée de marrons, polenta frite et sauce aux myrtilles, mais où, plutôt que de se centrer sur l’intégralité des éléments, on tend à disposer l’ingrédient principal, à le rehausser et à le garnir avec une orthodoxie extrême.

Pour mériter la plus grande distinction, que le Guide Michelin pourrait très bien attribuer à ce Relais & Châteaux, il faudrait se rapprocher davantage de l’esprit contemporain du présent guide, qui prêche pour une plus grande créativité et des saveurs plus innovantes.