Piazza Duomo

Bruno Ceretto, viticulteur emblématique du Piémont, passionné de la bonne table, a monté ce restaurant artistique conçu par le peintre new-yorkais Francesco Clemente, situé sur la grand’place d’Alba, la capitale de la truffe, en raison d’une double vocation personnelle de gourmet et de mécène de la gastronomie. Poussé également par l’envie de voir un restaurant d’envergure mondiale au sein de sa région, il a engagé, ou plutôt s’est associé à l’un des chefs les plus talentueux et plus prometteurs d’Italie : Enrico Cripa.
Formé à l'école de Gualterio Marchesi, collaborateur de Carlo Cracco, diplômé avec Ferran Adrià... il dicte ses messages à la Piazza Duomo, ni plus ni moins, depuis le 17 mai 2005. Et il le fait dans le cadre d’un objectif clair : devenir un auteur à part entière. Il possède les connaissances théoriques et pratiques, l’imagination et la capacité esthétique suffisantes pour illuminer la cuisine de l’avenir.
Après les aléas typiques du début des activités, la structure et l’équipe de l’établissement se sont sensiblement renforcées et la finition des plats s’est nettement améliorée, de même que la maturité mentale, comme en témoignent les constructions mieux structurées, plus réfléchies, synonymes d’élégance et d’harmonie accrues.
Dernièrement, la carte a également connu des changements substantiels. Les mets traditionnels du Piémont et de l’Italie, toujours raffinés, allégés et embellis, sont maintenant assortis de propositions créatives, voire très ingénieuses. Crippa est un très grand artiste en matière de salades, dont certaines sont réellement exceptionnelles, comme l’originale 21...31...41... : une mosaïque exultant de fraîcheur, d’arômes, de textures et de couleurs composée de divers légumes, d’herbes, de fleurs, de sésames noir et blanc, de moutarde, … le tout assaisonné d’une touche de subtilité magique. Crippa est un vrai maestro des pâtes, notamment des agnolotti (raviolis typiques de la région), extrêmement savoureux quelles que soient les farces. Les agnolotti del Plin, qui contiennent trois viandes – porc, veau et lapin –, proposés avec une réduction de leur ragoût et de truffe (en novembre et décembre), sont d’un conventionnalisme et d’une rotondité écrasants. Les agnolotti gras et légèrement aigres-doux, servis avec du fromage et des noisettes, recèlent une grande étoffe. La palme revient cependant à la troisième version, on ne peut plus sybaritique, élaborée à base de foie de lapin parfumé à la « bagna caüda » (qui signifie « bain chaud », une sauce faite à base d’huile, de beurre, d’ail et d’anchois). Cette éminence des agnelotti ne doit pas pour autant nous faire oublier la noblesse des spaghettis de blé et d’orge mondé au jus d’agneau et piment. Ni la réinterprétation audacieuse du populisme que supposent les gnocchis de pomme de terre servis avec du ricotta de Seirass et du fromage Testun vieux. Côté poissons, on retiendra la pureté, la légèreté, les contrastes et le chromatisme inhérents à la morue salée au restaurant avec bettes, raisins et coriandre. Les viandes sont également remarquables, aussi bien le cochon de lait croquant au miel que le pigeon à la broche accompagné de confiture crue de chou rouge et d’un biscuit à la cannelle, ou encore le filet d’agneau de la Vallée de Stura, saignant, rosé, tendre et délicieux, assorti d’une sauce élaborée avec ses viandes, entre autres garnitures.