La Cape

Il s’agit d’une des révélations les plus fermes et les plus prometteuses de la cuisine française. Nicolas Magie, sa femme Marianne, son frère et l’équipe qui les accompagne dégagent une grande passion, et cela se sent. Une impression partagée par le public qui, midi et soir, n’hésite pas à venir combler cette villa furieusement chromatique, teintée de violet et de rouge ; un fameux culot. Cela en dit long en faveur des protagonistes, qui font ce qu’ils sentent et n’ont aucun complexe pour sortir des sentiers battus. Un projet singulier qui colle parfaitement à la sociologie urbaine du troisième millénaire. Un luxe possibiliste, des prix abordables et une cuisine solide qui n’hésite pas à réinventer le patrimoine culinaire français et à appliquer quelques techniques adriatiques (mousses, airs, gélatines, etc.) sans vergogne. Pour le dire concrètement : une gélatine de persil au fond de l’assiette, quelques traits de crème à l’ail et des escargots dans une tempura des mêmes ingrédients proposent une vision émouvante de la recette bourguignonne ; anthologique. Quelle que soit la proposition, toujours évolutive, plus ou moins moderne, certains éléments sont toujours au rendez-vous : intelligence, expression élégante des saveurs, disposées en un équilibre mesuré. L’harmonie est une norme inébranlable qui ne fait jamais défaut. Il n’y a pas de place pour les nouveaux goûts ; la transformation est principalement structurelle, conceptuelle, technique… très profonde. Des constructions intégrales, des cuissons parfaites et des matières premières réellement exceptionnelles, nous insistons. De la rigueur, de la rigueur et encore de la rigueur, donc. Et une certaine complexité, aussi, car les recettes sont très travaillées, aussi bien mentalement que physiquement, sans que la pureté et les saveurs des composantes ne soient altérées. En définitive, une cuisine honnête par rapport à elle-même et à la clientèle, qui a en plus le mérite de proposer un rapport qualité/prix imbattable.
La carte, toujours réduite (une douzaine de propositions plus les desserts), change totalement chaque année et de manière substantielle chaque saison. Le produit principal des mets est annoncé en lettres majuscules. Comme les LANGOUSTINES assorties de gélatine et de jus de pomme, air de céleri et truffes, qui viennent confirmer tout ce qui a été dit précédemment, à savoir le respect absolu du produit et la présence de compléments très mode. Le BŒUF est proposé sous des formes solennelles, dans toute sa pureté : en tartare avec de l’avocat croquant, le tout enrobé d’une fine escalope de sa propre chair (Quelle crudité ! Quelle naturalité !) et accompagné des contrastes d’une crème glacée aux oursins et de microvégétaux qui viennent rafraîchir et décorer l’ensemble.
Le BAR PÊCHÉ À L’HAMEÇON est proposé simplement rôti, avec la peau grillée et la chair rose, extrêmement juteuse, en compagnie d’huîtres Gillardeau, de truffes et d’une réduction marine très aromatique. La SOLE, dépourvue d’arêtes et reconstruite, filet sur filet, farcie de lamelles de truffe, est déposée sur un lit de pois pratiquement crus et un jus de ceux-ci, puis couronnée de succulentes mies croquantes. La LAMPROIE servie avec de l’air et de la gélatine de poivrons rouges vient confirmer les ressources conceptuelles et techniques du chef. La LANGUE DE BŒUF cuite à basse température puis passée à la plancha avec des huîtres, du lard et une sauce bordelaise comble le palais de délice et d’une touche croquante sublime ; une véritable apothéose.
Bref, une cuisine qui repose sur des principes solides : ceux de Nicolas Magie, un chef honnête sérieux et talentueux digne d’admiration. Vraiment honorable.