Etxebarri, restaurant de l’année ?

Rafa, je viens de sortir de chez Etxebarri. Et j’en ressors enivré par l’extase, avec une question-affirmation, si tu vois ce que je veux dire : Etxebarri, restaurant de l’année ? D’accord, tout à fait d’accord. « Nous sommes en faveur de la révolution gastronomique, de la créativité à outrance, de l’invention, de la nouveauté, certes, mais encore fait-il savoir de quelle nouveauté, parce cette question date de Mathusalem ! ». Je n’ai pas fini. Révolution. Avec sa cuisine sur braises, Bitor n’a-t-il pas dynamité tous les grands principes? Bitor a réalisé cette révolution impensable, impossible, loin des grands titres et des acrobaties. Bois. Feu. Intelligence. Pour ceux qui luttent, Rafa, les révolutions sont toujours logiques. Pense à Kropotkin, par exemple. Mais bon, revenons à notre cuisine. Alors que tout le monde a les yeux rivés sur la fameuse pilule des astronautes, il se fait qu’il y a un type qui, après avoir érigé son restaurant de ses propres mains (au sens propre), ne cesse de réfléchir quant aux concepts aristotéliques. Lorsque je m’assieds à la table de l’Etxebarri, le minimalisme me fait sourire. Si Carlo Cracco jouait avec trois éléments, Bitor ne joue qu’avec un seul ! Et que dire de la nature. Une nature que personne n’avait remarquée, tellement elle était évidente. Le feu. Les braises. Un élément tellement ancien, tellement prospectif… Qu’est-ce que la créativité ? Ou, plus précisément, qu’est-ce que la saveur créative ? Bitor nous l’explique. Il n’est pas le seul, d’accord. Mais ici, il joue cartes sur table. Tout nu. Sans filet. Parce le goût, mon cher Rafa, c’est le goût. Une grande vérité, certes, mais où as-tu mangé une bêche-de-mer aussi bonne que chez lui, avec tout le muscle, aussi audacieuse et onéreuse ? Allez, réponds, bon sang ! J’aimerais que quelqu’un me montre une huître meilleure que celle qu’il prépare sur les braises. Trois passages à 20 cm des cendres. Un peu moins d’une minute. Sur un petit lit d’algues cuites. À ce stade, je ris encore du minimalisme. Ha, ha. Ce n’est pas à un vieux poisson qu’on apprend à nager. Autre chose : le jaune d’œuf sur braises avec timbale de pomme de terre et … pluie de mousserons ! Ici, il n’y a pas de mots, sache-le. Révolution ? Tu parles… Ici, cela va plus loin. Permets-moi de te rappeler que tous les cuisiniers du monde entier qui se rendent à ton congrès et qui ont la chance de goûter l’Etxebarri se rendent à cette cause… Le moment est peut-être venu de parler de l’audace suprême, de la prise du Palais d’hiver. Caviar Beluga sur braise. Je ne te dis pas. C’est la partie la plus sanglante de la révolution. Il faut avoir du culot… Avant, tu ne peux cependant pas louper les anchois frais sur braises. Tu auras l’impression de croquer de l’argent. Un nouveau monde est possible, Rafa. Sans parler des légumes sur braises, parce que je ne veux pas salir mon pantalon, tu vois ce que je veux dire… En fait, j’ai encore toute la gélatine de la morue, plus qu’épatante, au coin de la bouche. Je la nettoie avec la meilleure langoustine (et la plus grande) du monde, pêchée dans de la mer Cantabrique. Pas moyen. Mais un Catalan comme moi ne recule devant rien : je me l’enfile avec les petits poulpes aux oignons. J’ai envie de me jeter dans les braises. Mais arrive alors la glace aux mousserons, des mousserons d’une technique irréprochable. Qui va au-delà du goût.
Alors, Rafa, on assume ou on assume pas ? Parce que nous sommes bien face à une révolution, plus authentique et audacieuse que jamais (tu as goûté le caviar ?) : celle des braises. Celle de Bitor Arguinzoniz. Celle de « rien dans les mains, rien dans les poches ». Et hop ! Le lapin apparaît.
Prends-en de la graine, mon vieux. Sous peine de mort.

Restaurante Etxebarri
Plaza San Juan, 1. 48291 Axpe-Marzana. Atxondo (Vizcaya)
Tel. (+34) 946583042
E-mail: vicarniz@wanadoo.es

1.- Filet de morue sur braises de chêne vert
2.- Encornets sur braises servis avec leur encre et oignon confit
3.- Anchois sur braises de chêne vert
4.- Cèpes sur braise servis avec leur cappuccino sur aubergine et pomme de terre confite