Cacciatori

Le produit, le produit, le produit, le produit, le produit, le produit, le produit, le produit, le produit et encore le produit : dix, cent, mille fois, dans toute sa splendeur. Un restaurant de montagne, où la nature s’exprime en nous offrant des délices terrestres et célestes à la fois, humbles et authentiques. S’asseoir à la table de cet établissement spartiate tout simple, c’est un peu comme traverser le tunnel du temps et revenir 100 ans en arrière, tant sur le plan de la matière première que des formes. La protagoniste, Carla, cuisine au bois, dans un fourneau construit en 1952 par ses ancêtres. À feu doux, à basse température, chaque marmite exprime l’émotion de ces “mammas” héroïques, qui ont tant apporté à l’histoire de la gastronomie à travers leurs plats et ragoûts regorgeant de sensibilité et d’affection. Atavisme, ancestralité, éminence. Chaque mets caresse le palais avec amour. Le raffinement s’exprime à travers les éléments les plus simples, les plus populaires … les plus infimes. La famille Milano –le père, Giancarlo, et le fils, Massimo, qui s’occupent de l’intendance et de la salle– transmet par ailleurs l’authenticité du terroir et le grand cœur de ses hommes.

On se rend à ce restaurant de village et de tradition pour retrouver le saindoux fait maison d’il y a plus d’un demi-siècle. Pour savourer quelques bouchées d’une succulent saucisson cuit, juteux, qu’ils achètent au meilleur charcutier de la région. Pour percevoir la sensibilité d’une personne capable de mijoter des poivrons jaunes pendant sept heures et de les présenter sur assiette assortis de nobles anchois en salaison avec la touche magique de lubrification octroyée par un filet d’huile d’olive vierge de la région voisine de Liguria. L’un des moments culminants arrive avec la tarte aux artichauts, au goût très prononcé, très fine, extrêmement fine, tellement fine qu’elle n’a qu’une feuille de chaque côté, de moins d’un tout petit millimètre. Les spaghettis frais à la tomate ne décevront personne. L’omelette à l’oignon est réellement émouvante. Vient ensuite le moment des viandes, auxquelles il faut rendre un véritable hommage, et dont il vaut même mieux commander deux rations qu’une. Le poulet en ragoût avec oignon, tomate, vin blanc et romarin est presque un coq de basse-cour, dont les chairs foncées et consistantes regorgent de goût. Il en va de même pour le lapin, grassouillet, aux cuisses sombres, qui n’a besoin que d’une petite touche d’huile d'olive vierge, de vin blanc et de romarin pour atteindre une splendeur méconnue par le citadin. Sans oublier, aux mois de novembre, décembre et janvier, les lièvres, perdrix, bécasses et grouses, toujours fraîchement chassés par Giancarlo (jamais congelés) et étuvés par Carla.

Un voyage gastronomique dans le temps.