Il s’agit du numéro 1 de France. Pascal Barbot personnifie le renouveau générationnel de la cuisine française mieux que quiconque. Cela fait déjà quelques années qu’il est devenu un nouvel astre, un artiste de taille universelle qui a atteint sa plenitude dans le cadre du 10e anniversaire de son restaurant. Un chef doté de l’un des plus grands talents innés de la planète culinaire. Un personnage indépendant qui sait parfaitement ce qu’il fait. Un être qui n’a jamais été soumis aux modes culinaires ni aux pressions médiatiques. Une personne qui exprime ses sentiments, ses goûts et ses convictions en toute simplicité, avec un savoir-faire qui reflète la formation qu’il a suivie au sein de grandes maisons. Pour ce faire, il ne lésine pas sur les efforts, sans limites d’espace – entre autres – et, donc, de personnel. Un pari qu’il a su relever très modestement en mettant sur pied avec Christophe, son associé, un petit bistrot sobre toujours rempli de gourmets exclusifs. Il s’agit en définitive d’un être libre qui a conquis la gloire. D’un homme exceptionnel qui n’a jamais fait partie de la jungle gastronomique.
Si Pascal a toujours été un designer naturel de goûts inédits riches en contrastes, ultramodernes (logiquement), aujourd’hui, il semble avoir trouvé l’équilibre des priorités qui le mène vers la perfection. Il est en train d’affiner son style, différencié. Ses plats allient l’impact gustatif et intellectuel avec la réalisation d’objectifs transcendants, comme la fantaisie, l’exotisme et les touches orientales, en toute virtuosité et harmonie. Des propositions regorgeant d’avenir et d’une maturité croissante qui laissent penser que le meilleur est encore à venir. Un homme qui ne ressemble à personne et qui se surpasse continuellement. Le perfectionnisme évolutif ; la révolution du bon sens.
Barbot, cohérent tant dans sa pensée que dans ses actes, ne fait aucune concession. Tout fonctionne selon un système de menus, qui sont en fait des variantes qui tournent autour d’une même offre, où le convive n’a qu’à choisir l’ingrédient principal. Les plats vont et viennent au gré des saisons. Les décrire n’a donc pour but que de préparer le lecteur au festin.
Les apéritifs reflètent l’ouverture d’esprit du chef, qui ne se limite pas à un dogme concret et fait montre de délicatesse et de minutie, comme en atteste la brioche au beurre truffé avec mousse aux pois sur crème de yaourt et mousse au safran des Indes et à la cardamome; la grande distinction. Le premier mets marin, et terrestre, aussi, est composé d’une huître crue, de deux médaillons de Saint-Jacques vapeur, deux médaillons de moelle, d’algue kombu, de chou, de miso, de yuzu, ... une exubérance d’exquisité présentée avec une pureté radicale. La langoustine, majestueuse, assortie de germes, herbes, fleurs, légumes, gingembre et citron, nageant dans un consommé clarifié de l’animal, est une proposition dotée de grandes valeurs : produit sublime, précision des points de cuisson, légèreté, richesse de nuances, contrastes piquant/acide, chromatisme,... Une sensibilité inédite. La fameuse galette aux lamelles de champignons crus, nettement améliorée, est désormais proposée sous forme de millefeuille, plus savoureux, pluriel et amusant, en compagnie de foie gras, de pomme verte, de cannelle et d’agrumes. Les asperges blanches cuites al dente saupoudrées de cumin et assorties d’amandes tendres grillées caramélisées, de confiture de kumquat, de fines herbes variées, de fleurs, d’une quenelle magistrale de poivrons du piquillo, épinards et safran des Indes ainsi que d’une sauce au citron exultante s’avèrent géniales, vraiment géniales ; une alliance parfaite entre les saveurs amères, prédominantes, et les touches aigres. Les raviolis de potiron sur lit d’araignée de mer et épinards aux épices rehaussés de noisettes, anis et pruneaux sont un véritable chef d’œuvre ; une composition très élaborée, très diversifiée, d’une harmonie absolue. Noblesse, génie et complexité extrême sont des caractéristiques qui se répètent immanquablement, comme en témoigne le homard accompagné de cèdre, d’asperges, de coriandre, d’aneth et de poudre de cacahuète, complété, à part, d’un insurmontable consommé du crustacé parfumé au soja. Le don inné du chef pour l’équilibre, proverbial, est reflété au sein du turbot cuit à basse température, d’une chair chatoyante, extrêmement juteuse et pure, proposé avec un médaillon de poulpe, une brunoise de navets japonais à la menthe, quelques végétaux et une sauce émouvante aux raisins, tamarin et piment de Cayenne qui chauffe et rafraîchit la bouche en même temps en une symbiose piquant/acide parfaite. Autre merveilleuse folie d’une nature et d’une exquisité épatantes : le maquereau mariné proposé avec du sarrasin grillé en surface, une sardine à peine marinée, une feuille d’huître, un coquelicot au vinaigre, du citron confit… le tout accompagné, sur une autre assiette, d’une délicieuse crème aux anchois sur laquelle est déposée une crème à la roquette décorée à l’aide d’une pensée. Orthodoxe, très technique, d’un classicisme imbattable : tel est le ris de veau aux petits pois, pois gourmands, petites fèves et mini courgettes assorti de d’une sauce à la viande et d’une sauce à la sobrasada (sorte de rillettes au paprika). Blanc de volaille poêlée, ailes confites, tartine grillée avec ses petits foies rosés, feuille de chou oriental, quenelle de curry avec olives noires, réglisse, café et ail noir : une combinaison magistrale synonyme de produit 10/10, de points de cuisson 10/10 et de compléments 10/10. Les viandes respectent la même philosophie, la même exquisité, comme par exemple le canard de Challans accompagné de curry noir et d’aubergine confite, ou encore la poitrine de porc assortie de lentilles vertes de Puy en ragoût. Ces autres formules défilent ainsi face au convive, captivant son intellect ainsi que ses papilles gustatives, conservant leur brio jusque l’arrivée des desserts, d’un niveau aussi élevé, qu’il s’agisse du sorbet au gingembre, poivre et citronnelle, réellement passionnant, ou de la mousse aux amandes amères à la rhubarbe et aux fraises accompagnée d’un sorbet à la mangue et d’un biscuit à la noix de coco et au gingembre, « tout simplement ».
Un chef plus convaincant que jamais, doté d’un talent privilégié.