La Vallée Borbera et la cuisine des frères Serena et Fabrizio Rebollini (22 et 33 ans) vaut vraiment le détour, franchement. Cet endroit magnifique, sauvage et isolé, bercé par la tranquillité et le silence des bois, se trouve dans un coin paisible du sud-ouest du Piémont, aux confins de la Lombardie et des provinces de Plaisance et de Gênes. Si la langue, le ligurien, est unifiée, la cuisine est pour sa part un mélange entre les différentes cultures voisines. Cette petite vallée située au pied du mont Giarolo, fréquenté par les Gênois en quête de tranquillité et par les Suisses avides de nature non polluée, héberge des petites exploitations de premier ordre, comme la culture des pommes de terre Quarantina de Gênes (essentiellement pour le pesto), le délicieux fromage Montebore (lait cru 70% vache-30% brebis, proposé en trois couches superposées, comme un gâteau de mariés), les légumes (nombreuses cultures en amont de la vallée), les champignons, les truffes et le gibier.
Beaucoup de plats ont défilé sur les tables depuis notre première visite, en 2005. Fabrizio, tout jeune, exhibait alors une cuisine du terroir exquise, tandis que Serena allait encore à l’école. Nous nous souvenons du salami maison, délicieux ; du cappuccino au parmesan assorti de crème de cèpes (excellent) ; des splendides tagliatelles aux cèpes, de la tarte sbrisolona, très gourmande, et des arômes du pain fait maison. Aujourd’hui, les deux frères mènent une vie dynamique, pleine de passion, de curiosité, de mouvement et de voyages : stages dans des restaurants renommés de Trentino, en Suisse, auprès du grand Carlo Crisci, et aux Etats-Unis, en 2011. Avec l’expérience qu’ils ont engrangée, on peut dire que les frères Rebollini font exactement ce qu’on attend d’eux : réinventer la cuisine de leur terroir sur base de tout ce qu’ils ont vécus lors de leurs voyages.
Nous commençons par une morue beurrée avec des pommes de terre et une sauce tomate tiède. Vient ensuite une splendide crème de topinambour au fromage Montebore flanquée d’un œuf à la coque et de sel fumé aux écailles. Le fromage est merveilleusement magnifié par une élaboration classique française, étrangère aux normes locales, qui le glorifie et l’élève au niveau de la haute cuisine. Una préparation digne de Paris ou de Londres. Autre plat qui reflète très bien la pratique culinaire du chef : le minestrone au pesto. Outre l’exquisité du mets, force est de souligner qu’il permet de palper non seulement le terroir (le potager, le pesto), mais aussi l’envie de se surpasser, comme en témoigne l’énorme huître savoureuse coupée en deux puis déposée sur le minestrone avec une sauce aux huîtres parfaite (formation, technique, précision). Ne manquez pas de déguster les raviolis “cul-nu” qui, juste étalés sur l’assiette, reflètent une bonne connaissance de l’histoire. Les meilleurs que nous ayons goûtés dans toute la vallée. Chez Fabrizio et Serena, les raviolis, véritables objets de culte, très bons dans toute la région, sont élaborés de manière réellement sublime : saveur de la farce extrêmement précise, consistance des pâtes et –surtout– qualité du parmesan râpé saupoudré sur l’ensemble. Un parmesan extra-vieux qui fait toute la différence. À goûter également : les raviolis de morue géants assortis d’une poêlée de tomate et de marjolaine. Sans oublier les plats de résistance : l’agneau du terroir en deux cuissons (côtes frites et gigot grillé), la tranche de morue salée avec sa soupe à l’oignon et sa sauce aux câpres, ou le pavé gratifiant de bœuf « aux herbes » (race locale).
Serena et Fabrizio représentant la quatrième génération de cuisiniers du restaurant. Une responsabilité qu’ils assument avec tout l’enthousiasme, la curiosité et l’engouement propres à leur âge. Espérons qu’ils poursuivent dans cette voie et qu’ils cultivent les champs de la haute cuisine de ce terroir extraordinaire. Nous sommes de tout cœur avec eux !