Joël Robuchon, cet homme perspicace et méthodique, devenu le cuisinier le plus parfait du monde, a toujours attiré notre attention. Il a marqué l’histoire grâce à cette virtuosité archangélique imbattable, grâce au développement d'un style propre d’articulations circulaires sur l’assiette, grâce aux grandes recettes qu’il a enfantées et qui se sont répandues dans des centaines de restaurants gastronomiques, et grâce à tant d’autres choses …
Un jour, il a décidé d'en finir avec la pression que supposait le fait d’atteindre un 9,75/10 à chaque table et que le convive attendait du grand maître. Après une période de réflexion, de temps consacré à des programmes télévisés et à des livres, à des conseils et assistances divers, il revient à la charge, depuis deux ans, avec quelque chose de nouveau : L’Atelier de Joël Robuchon (5, rue de Montalembert - 75007 Paris. Tel.: 00.33.0142225656. 100/140 €).
À la fin du printemps 2004, Joël a fait un pas de plus dans sa formule de “prêt-à- porter” de haute cuisine. Sur inspiration de L’Atelier, un luxueux bistrot contemporain a vu le jour : La Table, un établissement de design, fonctionnel, qui sert une haute cuisine classique, actuelle, tout à fait adaptée aux goûts en vogue. C’est surtout le savoir-faire qui règne : intelligence des conceptions, professionnalisme notoire au fourneau et en salle, méticulosité dans le travail… organisation Joël Robuchon. Une rigueur, une sagesse et une perspicacité qui ont situé ce célébrissime chef sur le podium du monde gastronomique pendant une décennie. Outre les établissements précités, il a mis sur pied une chaîne de restaurants qui reproduisent ses vertus dans diverses grandes villes du monde selon une identité propre.
Après quelques années de parcours, La Table de Joël Robuchon a atteint sa plénitude gastronomique, synonyme de cuisine intemporelle extrêmement vertueuse.
En guise d’apéritif, la gelée de pamplemousse avec crème à l’avocat et quelques feuilles de coriandre proposent des contrastes gustatifs et tactiles intéressants. Très grande distinction pour le foie gras frais cuit au torchon qui, comme tous les autres plats, fait montre d’une sélection minutieuse des produits et d’une technique de cuisson irréprochable. Il est accompagné d’éléments divers, en fonction des saisons, comme par exemple la compote aux pêches blanches et poivre de Séchuan. Dans une même ligne de fine érudition et d’honorabilité, reposant sur une exquisité inébranlable, Joël propose l’œuf mollet couronné d’un majestueux caviar et d’une julienne de pâte à brick (une sorte de pommes allumettes) déposée sur une crème aigre avec des incrustations de dés de saumon fumé. Pour lever les doutes éventuels relatifs au style et au perfectionnisme du chef, rien de tel que les morilles, splendides, exultantes, cuites au vin d’Arbois, accompagnées de farfalle (pâtes en forme de nœud papillon) et d’asperges vertes de Provence al dente, le tout rehaussé d’une sauce mousseuse et onctueuse qui transmet les saveurs du champignon et de son traitement. Et que dire du foie gras à la plancha, superbe, proposé avec des fèves sans peau, des artichauts, de la roquette et du lard en deux textures, en tranches croustillantes et en ragoût sous forme de julienne.
Parmi les poissons, notons deux bonnes exécutions bien conçues et travaillées : les fameux filets de rougets à l’huile d’olive avec caviar d’aubergine au coriandre et le Saint-Pierre à la plancha légèrement acidulé au citron vert, tomate à l’échalote et au basilic.
Doctorale, la section des viandes : le ris de veau tendre et sybaritique aromatisé au laurier accompagné d’une feuille de bette farcie ; les côtelettes d’agneau de lait des Pyrénées aux arômes de fleurs de thym ; la caille au foie gras caramélisé accompagnée de la fameuse purée de pomme de terre qui, cette fois, est proposée truffée, est synonyme de force de caractère et de grand contraste.
Autres mets synonymes de grande étoffe et de longs succès : l’araignée de mer sur crème au fenouil assortie d’une fine gelée de crustacés ; le tourteau aux fines tranches de navets épicés ; ou encore les langoustines en papillote croquantes au basilic.
Ne manquez surtout pas la meringue aux fruits rouges farcie de fraises servie en compagnie de yaourt, très technique et on ne peut plus raffinée.
En définitive, une haute cuisine viable, urbaine et intemporelle, avec la griffe et la garantie du maître Robuchon, en état de grâce.