Laurent Petit est un cuisinier de race. Il conjugue le talent d’un artiste avec la volonté et l’ambition des triomphateurs. Il a les idées claires et est convaincu de ses sentiments, qu’il exprime sans réserve. Des caractéristiques qui en font l’un des cuisiniers les plus évolués de France sur le plan conceptuel. Nous partageons pleinement sa philosophie, qui transmet des pensées, des qualités et des sensations toujours fraîches, originales et attrayantes. Un saut qualitatif important a été effectué vers la concrétisation d’un style propre, dépourvu de références, matérialisé par la disposition de constructions cubiques d’un grand impact visuel et palatal. Une griffe propre à Laurent Petit, capable de combiner des matières premières sensationnelles avec des idées et des techniques d’avant-garde au sein d’une même articulation, soumettant l’alchimie au service des délices. Une fantaisie très cérébrale. Les gélatines, les sphères, l’azote liquide… deviennent compatibles avec les viandes et la mémoire historique. Aucune excentricité mentale ou gustative à déplorer. L’équilibre est un véritable dogme de foi, tout comme la méticulosité du travail : notre dernier festin, composé de quatre amuses-bouches, six plats et trois desserts, fut un parcours sans faute. L’accueil fut colossal : la sphère géante de petits pois à la française, de la taille d’un jaune d’œuf, à l’arrière-goût de lard fumé, constitue un coup de fourneaux qui invite à la complicité. Elle fut suivie de trois primeurs excellentes: une glace blanche d’oignon poché, un cornet doré de Reblochon, une pomme de terre croquante et translucide incrustée d’une feuille de persil et saupoudrée de paprika. Les paramètres de la cuisine vont dans le même sens. La fine tarte aux légumes sans pâte : rectangles de poivrons, carotte, courgette sur une base d’aubergine, avec des fleurs d’ail, marjolaine et romarin accompagnées d’herbes et de tapenade représente la pureté écologique de la nature. La terrine de foie gras avec féra (poisson du Lac Leman) et pomme au jus tannique est l’une des meilleures qui existent dans le domaine des foies gras. L’articulation de tourteau a tout pour plaire : génie, beauté, délice, exubérance. Les chairs marines sont présentées avec des légumes et des fines herbes, assorties d’un sorbet qui concentre tous ses jus, d’un dé de consommé gélatinisé, d’une soupe chaude et, le summum, d’une poudre élaborée à base de carapace de l’animal et de pain, le tout disposé en petit cubes. Les oursins parfumés à l’ail confit sont d’une simplicité parfaite. Le bar, ultra-juteux, rosé, cuit intérieurement à 44 degrés, rehaussé par une huile d’olive azotée, constitue un poème dédié à la pureté et à l’avenir immaculé. Quant aux quatre services d’agneau aux morilles, ils viennent à nouveau faire preuve de noblesse, maîtrise, effort, génie, chromatisme… bref, d’un dévouement et d’un professionnalisme dignes de révérence. Laurent Petit : plus robuste et talentueux que jamais.